Pour changer de narratif sur l’Afrique, j'ai écrit onze épisodes sur des solutions du continent

Dessin: Didier Kassaï pour Heidi.news

Ces cinq dernières années, les échecs et les morts ont rythmé la plupart de mes récits. Au Burkina Faso, j’ai raconté les premiers attentats et les pertes civiles, la faillite de l’Etat face aux percées djihadistes, la multiplication des milices et le début des conflits intercommunautaires. Et puis j’ai franchi la frontière pour m’installer au Mali et raconter les mêmes malheurs. La guerre, le terrorisme, les divisions politiques, la corruption endémique… Quel constat pessimiste!

Lire le 1er épisode de notre Exploration: Préserver les forêts tout en vidant les poubelles? Histoire d’un charbon vert burkinabè

Quand je suis rentrée en France il y a quelques mois, j’ai fait le bilan: échecs et morts dans une centaine d’articles, réussites et survivants dans une quinzaine seulement. La réalité des endroits que j’ai racontés était-elle si sombre? Sans doute pas. Mais le Sahel, comme le reste de l’étranger, intéresse le plus souvent la presse occidentale quand il saigne, plutôt que quand il se soigne. “If it bleeds, it leads”, comme on dit dans le jargon pour signifier que c’est le sang qui fait la Une.

Et s’il était temps de changer de narratif? Le pessimisme ambiant engendré par la pandémie dont nous peinons à sortir a fini de m’en convaincre. J’ai donc voulu, pour une fois, écrire une série optimiste sur l’Afrique. Onze épisodes pour vous raconter le continent qui agit plutôt que celui qui subit. Mon Exploration “Onze solutions africaines pour le monde d’après” vous fera découvrir des initiatives sanitaires, environnementales, agricoles et sociales qui pourraient changer l’avenir. Un cardiologue en bluetooth au Cameroun, un charbon vert produit avec des déchets au Burkina Faso, une céréale qui sauve l’agriculture au Sénégal, un bidon qui roule pour adoucir les corvées d’eau en Afrique du sud…

Les forces vives du continent

Ces idées et ces projets, certes pleins d’optimisme, ne nous ferons pas tomber dans leur propre travers, dans cet “afro-optimisme” qui, il faut aussi le dire, trouve un certain écho dans les médias ces dernières années. Les solutions de cette série seront la fenêtre à travers laquelle je vous raconterai aussi des problèmes, ceux que ces initiatives prétendent résoudre: les déserts médicaux, la déforestation, l’appauvrissement des sols agricoles ou encore le manque criant d’accès à l’eau.

Seul le regard sera différent: on verra le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Mon regard et celui du fameux dessinateur Didier Kassaï à Bangui, en Centrafrique, à qui Heidi.news a demandé d'illustrer cette Exploration. La démarche n’en sera que plus constructive. Car ce n’est pas seulement en constatant les failles d’hier qu’elles disparaîtront demain. Pour les résorber, il faut aussi des propositions. Alors, partons à la rencontre de ceux qui les formulent! Ces onze épisodes vous feront découvrir onze forces vives du continent. Ces hommes et ces femmes sont Africains, ils ont grandi et le plus souvent vécu avec les problèmes qu’ils s’évertuent aujourd’hui à résoudre.

Solutions occidentales absurdes

Trop souvent, les projecteurs sont braqués sur des solutions amenées du nord, pour sauver le sud. De projets parfois déconnectés des réalités du terrain et de la culture locale. Comme ce jour de 2016, où, au nord du Burkina Faso, une ONG occidentale a installé des infrastructures de jeu en plein air, censées redonner le sourire à des enfants brisés par la guerre. Aucun bambin n’y jouait. La balançoire et le toboggan étaient construits en métal: quiconque s’y serait frotté se serait sérieusement brûlé. Au Sahel, le thermomètre frôle parfois les 50 degrés…

Déconnexion des réalités encore, un jour de 2018 dans un village déserté du nord du Mali. Des centaines de pastilles de purification d’eau portant le sigle d’une organisation internationale jonchaient le sol de la mairie. Visiblement, pas très utiles aux yeux de ces villageois. Et pour cause ! La seule pompe à eau de la localité était cassée, les habitants n’avaient tout simplement plus de source d’eau à proximité… Et donc rien à purifier.

Un humain sur quatre sera Africain

L’avenir de l’Afrique doit être pensé par ses pairs pour être radieux: de grands intellectuels africains défendaient déjà ce précepte au siècle dernier. En 1992, le penseur et homme politique burkinabè Joseph Ki-Zerbo sortait un livre militant, «pour un développement endogène en Afrique». Son titre, «la natte des autres», faisait référence à un proverbe bambara équivoque qui disait: «dormir sur la natte des autres, c’est comme si l’on dormait par terre». Alors aujourd’hui, parlons de cette Afrique de demain, esquissée par et pour les Africains, à travers onze solutions, pour le monde d’après. Car ce monde sera résolument tourné vers l’Afrique. Les prévisions démographiques le soulignent: en 2050, un être humain sur quatre sera Africain.

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